« Qu’est-ce qu’un sacrifice ? »


Article tiré de Cherchez et vous trouverez, Les presses de Taizé, Taizé, 2004, pp. 157-159.
Comment exprimer notre appartenance à Dieu ? Au temps de la Bible, on aurait sans doute
répondu : en offrant des sacrifices. Comme ce langage est devenu presque incompréhensible
pour nous il vaut la peine d’en chercher la signification véritable et d’éviter ainsi des
malentendu et des discussions stériles.
De nos jours, l’expression « faire un sacrifice » a une coloration moraliste et négative. Elle en
est venue à signifier : « Faire par devoir quelque chose qu’on aimerait mieux ne pas faire ».
Dans le monde ancien, par contre, le sacrifice était une offrande végétale ou animale, un
cadeau fait à la divinité. Au moment de la récolte, par exemple, le cultivateur présentait au
Seigneur les prémisses en signe de reconnaissance (voir Deutéronome 26, 1-11). A d’autres
moments, on faisait de tels dons pour demander pardon ou, après une interruption de la vie
sociale, pour marquer sa réintégration dans la vie ordinaire de la société. En général, pour
exprimer la volonté de faire un présent au Dieu invisible, on apportait l’offrande au lieu saint
et on la remettait au prêtre qui souvent la brûlait. Cela signifie que l’objet en question,
pénétré et transformé par le feu de sainteté, passait dans le domaine de Dieu. Parfois, par
contre, on mangeait la chose sacrifiée lors d’un repas solennel : un tel « sacrifice de
communion » était une façon forte d’exprimer un partage de vie avec Dieu. Bref, il y avait
différentes motivations et différentes manières de faire un sacrifice mais, dans son essence,
il s’agissait d’un cadeau fait à Dieu. En Israël, ce n’était pas un événement triste mais joyeux
(voir Psaume 66, 13-16). Lorsque nous offrons un cadeau à un ami particulièrement cher,
nous ne pensons ni au prix ni aux inconvénients que cela comporte mais au plaisir qu’il en
retirera. De même, pour le peuple de Dieu, le sacrifice exprimait et renforçait son
appartenance au Seigneur qui l’avait appelé à une alliance avec lui.
Il est vrai que nous trouvons aussi dans la Bible une critique des sacrifices, provenant en
général des milieux prophétiques : « C’est la miséricorde qui me plaît et non les sacrifices »
(Osée 6, 6 ; voir Amos 4, 4-5 ; Isaïe 1, 11-17 ; Psaume 51, 18-19). Mais cette critique n’est pas
dirigée contre les sacrifices en tant que tels mais contre une attitude hypocrite ou magique
qui mettait l’accent uniquement sur l’accomplissement d’un rite extérieur. Car cette
pratique reste malgré tout symbolique, puisque Dieu n’a pas besoin d’éléments matériels.
Au mieux, alors, le sacrifice rituel exprime une soif de communion, le désir d’une vie
partagée avec Dieu et les autres.
Pour les chrétiens, c’est Jésus qui exprime pleinement et concrètement ce que les sacrifices
rituels pouvaient seulement esquisser. Son existence entière a été un don aux autres pour
réaliser la volonté d’amour de son Père. Et cette vie « pour Dieu » et « pour les autres » a
été récapitulée dans son acceptation, par amour, d’une mort douloureuse. Son sacrifice
n’était donc pas un rite liturgique mais le don de sa vie jusqu’à l’extrême (voir Jean 13, 1) :
« Il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même » (Hébreux 7, 27). Ce qui rend la mort
de Jésus sacrificielle, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas la violence de
ses bourreaux qui n’avaient aucune intention d’honorer Dieu. Le sacrifice de Jésus, ratifié
par sa mort, c’est son libre consentement à se donner pour réaliser le dessein de Dieu,
transmettre la vie en plénitude : « Alors j’ai dit : Voici, je viens pour faire ta volonté » (voir
Hébreux 10, 1-10).

« Qu’est-ce qu’un sacrifice ? »

Laisser un commentaire