Introduction au Pentateuque


Le Pentateuque, à savoir les cinq premiers livres de la Bible (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome), est un assemblage pas toujours cohérent de bouts de ficelles plus ou moins solidement attachés ensemble.

1. Bref rappel historique

On se souvient du roi David, qui a réuni en un royaume les différents districts habités par les Israélites. Son fils Salomon, réputé pour sa sagesse, a poursuivi son œuvre, entre autres en bâtissant un Temple à Jérusalem ; mais après sa mort une guerre de succession s’est scellée par la division en deux royaumes : celui du Nord, nommé Israël, avec pour capitale Samarie ; et celui du Sud, nommé Juda, autour de Jérusalem. Ce schisme intervient à la fin du 10e s. av. JC.

La région occupée par Israël et Juda a toujours été une terre convoitée par les puissants de ce monde : bande de terre fertile, adossée à des régions désertiques, et pourvue d’un accès à la mer. Au 8e s, les Assyriens prennent le pouvoir sur tout le Moyen Orient, s’attaquent à Israël et à Juda ; le premier est vaincu (722 av. JC), le second parvient à résister. Beaucoup d’habitants du Royaume du Nord émigrent en Juda.

A cette époque, des scribes réunissent quelques-uns des bouts de ficelles : les récits qui se racontaient dans le Nord à propos de Jacob sont reliés à ceux qu’on se répétait dans le Sud à propos d’Abraham et d’Isaac. On se raconte aussi l’histoire de la sortie d’Egypte et de Moïse. Par ailleurs, dans le troisième tiers du 7e s, le roi Josias, que les récits bibliques encensent comme un roi juste et qui honorait Dieu, entreprend de remettre en état le Temple de Jérusalem plutôt délabré, et de réorganiser le culte ; au cours des travaux on découvre dans le Temple un rouleau sur lequel est écrite la Torah, la charte qui scelle l’alliance de Dieu avec son peuple. On pense que ce rouleau constitue la base du livre qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de Deutéronome.

Peu après, les équilibres géopolitiques s’effondrent, et un nouvel envahisseur s’empare de toute la région : Babylone, avec à sa tête l’empereur Nabuchodonosor. Cette fois le Royaume de Juda est vaincu à son tour, Jérusalem est détruite en 586, et toutes les élites (ce qui reste de la famille royale et de l’aristocratie, les scribes, les artisans du fer et de l’or, les menuisiers et charpentiers…) emmenées en déportation à Babylone. C’est l’Exil, période clef de l’histoire d’Israël. Le prophète Jérémie témoigne de la débâcle et du départ en exil, Ezéchiel quant à lui fait partie des exilés.

Cinquante ans plus tard, nouveau bouleversement : la Perse prend le dessus, et l’empereur Cyrus permet aux exilés de retourner au pays. Ce qui paraît comme une fantastique bonne nouvelle va se heurter à des difficultés sans nombre… le peuple d’Israël, le peuple des personnes qui croient en YHWH, est plus divisé que jamais :

  • Certains exilés ont fait souche à Babylone et y restent.
  • D’autres quittent Babylone et rentrent en « terre promise » ; ils retrouvent les maisons de leurs aïeux détruites, ou occupées par des étrangers venus de tous les coins de l’Empire.
  • Toute une population était restée sur place
  • Et toute une population hétéroclite avait été déportée par les Babyloniens, obligée de quitter leur pays d’origine pour venir repeupler la terre de Juda.

Tout cela fait un mélange détonnant, et les luttes, parfois féroces, ne vont pas manquer.

2. Pourquoi le Pentateuque

Lorsqu’on vit une catastrophe telle que la défaite, la destruction, l’exil, on a besoin de comprendre, de trouver du réconfort ; et lorsqu’on vit un retour d’exil difficile, on a besoin de réconciliation. La terre a été dévastée, les institutions politiques détruites, et le Temple, gage de la présence de YHWH au milieu de son peuple, a disparu. Comment aller de l’avant ?

Des sages ont entrepris alors une œuvre de reconstruction d’un type particulier. Ils connaissent les anciens récits des patriarches : Abraham, Isaac, Jacob. Ils connaissent les traditions autour de Moïse et de l’Exode, et ces traditions-là ont un sens tout particulier pour ceux et celles qui ont vécu un nouvel esclavage, et un nouvel Exode. Ils connaissent les institutions du culte au Temple. Ils connaissent le livre exhumé par les architectes que le roi Josias avait mandatés. Certaines de ces traditions ont déjà été mises par écrit, avant ou pendant l’Exil ; d’autres sont restées orales.

Ils réunissent tout cela, en y ajoutant un prologue.

  • Les mythes des origines (Genèse 1 à 11) affirment que toute l’humanité est issue du même sang, et que tout l’univers a été créé par YHWH, le Dieu d’Israël.
  • Les récits des patriarches montrent que tout Israël a un ancêtre commun : Abraham.
  • Les récits autour de l’esclavage en Egypte et de l’Exode disent que l’expérience de la servitude et de la délivrance sont constitutifs de l’existence d’Israël.
  • Enfin la Torah, parole émanée de Dieu, permet de réunir tout le peuple autour d’une foi, de rites, et d’une éthique communes.

Le Pentateuque que nous connaissons aujourd’hui est né.

Désormais la relation à Dieu ne dépend plus d’un pays, d’institutions politiques, ni même d’institutions religieuses : elle est liée à un livre, Parole vivante émanée de Dieu. Et cela, les exilés peuvent en témoigner, puisqu’ils ont maintenu cette relation vivante alors qu’ils étaient loin de leur patrie, conscients que la ville sainte et le Temple avaient été rasés. Ce livre, c’est le Pentateuque tel que nous le connaissons aujourd’hui.

3. Trois théologies

(au moins…) coexistent dans ce livre.

  • La rétribution : la défaite est survenue parce qu’Israël n’avait pas été fidèle à son Dieu. Mais si désormais sa conduite s’amende, alors Dieu sera à nouveau proche, et protègera son peuple. C’est un résumé (caricatural) de la pensée du Deutéronome et d’autres écrits qui lui sont liés.
  • La grâce. Le culte, en particulier les rites d’expiation décrits dans le Lévitique, permet de restaurer une relation à Dieu que les inévitables péchés des êtres humains ont détériorée.
  • L’amour inconditionnel de Dieu, bienveillant envers tous les humains, quelles que soient leurs actions, leurs religions, leurs fois.


Yolande

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