La langue du Premier Testament : l’hébreu ancien.
Il s’agit d’une langue sémitique, comme l’arabe, très différente de nos langues indo-
européennes. Elle s’écrit de droite à gauche, et note que les consonnes. Ce qui signifie d’abord
qu’on ne peut pas lire à voix basse : il faut « vocaliser » un texte pour pouvoir le comprendre. Et
ensuite, que chaque mot peut se lire différemment, avec des voyelles différentes, qui lui
donnent un autre sens. Les textes écrits en hébreu doivent donc être interprétés…
Les versions du Premier Testament que nous lisons aujourd’hui comprennent des voyelles.
Lorsque l’hébreu a cessé d’être une langue parlée, des exégètes de diverses périodes (dès le
premier siècle avant JC) ont enrichi le texte originel en y ajoutant différents signes de
ponctuation, de psalmodie, et de lecture. On nomme ces exégètes « les massorètes », c’est-à-dire
transmetteurs de la tradition. L’un des plus connus se nomme Aharon Ben Asher (Xe s.), scribe
qui a copié et vocalisé le Premier Testament dans un manuscrit, le Codex d’Alep, considéré
aujourd’hui comme la copie la plus fiable du Texte Massorétique, à savoir l’ensemble du Premier
Testament avec tous les signes de vocalisation (voir l’article de Wikipédia sur Ben Asher).
Dans la lecture des livres bibliques à la Synagogue, on se sert aujourd’hui encore de manuscrits
non vocalisés.
Depuis le début du XXe
, des grammairiens ont construit, à partir de l’hébreu biblique et de
l’araméen, une langue simplifiée qui correspond aux exigences du monde moderne : l’hébreu
moderne.
La crainte de Dieu
La traduction traditionnelle d’Exode 1,17 dit : Les sages femmes craignirent Dieu.
Pour le malheur des traducteurs et des lecteurs de la Bible, le verbe craindre en hébreu porte
deux significations : d’une part avoir peur (d’un ennemi, des persécuteurs, d’un supérieur, des
puissants) ; d’autre part respecter, honorer.
Lorsque le Premier Testament parle de la crainte de Dieu, il faut entendre d’abord ce second
sens. Les fidèles sont invités à honorer Dieu, à reconnaître son autorité ; à reconnaître aussi
son droit à donner la Torah, ce mode d’emploi de la vie, destiné à montrer aux humains les
chemins d’une existence dans la dignité, dans le respect de chaque être, et dans la paix. Dieu
ne souhaite pas faire peur à ses enfants, son premier attribut est la miséricorde, un profond
amour maternel (Exode 34,6).
Cependant, lorsque les humains foulent aux pieds cette Torah pourtant reconnue comme
excellente (Psaume 19), il peut arriver que Dieu se fâche… « J’aimerais encourager à ne pas
faire l’impasse sur la colère qui gronde dans de nombreux textes bibliques. Cette colère veut
être vue et entendue. J’y vois la force du changement, une énergie qui n’est plus disposée à
supporter injustice et violence. Elle ne laisse plus tolérer l’intolérable ». (La faim bouffe l’avenir,
campagne œcuménique de carême 2025, dimanche 30.3).
Et d’autre part, lorsqu’on prend au sérieux la Torah et ses exigences, il arrive que l’on soit
effrayé par l’ampleur de la tâche. Dieu demande à être honoré, il demande que sa Torah soit
respectée, il demande que tout humain soit respecté. Parfois notre impuissance et notre
faiblesse nous font ressentir de la crainte face à cette demande.
Noms donnés à Dieu dans la Bible
YHWH (traduit dans la TOB par SEIGNEUR en majuscules)
On trouve en Exode 3,14 une « étymologie » du nom par lequel le peuple d’Israël honore son
Dieu : YHWH. Le texte rattache ce nom au verbe hyh – qui ne veut pas dire être, mais devenir.
Il n’existe en hébreu biblique aucun équivalent à notre verbe être ; « je suis une femme » se dira :
« moi femme ». Ou : « ceci est mon corps » se dira « ceci mon corps ».
Par ailleurs les verbes, en hébreu biblique ne connaissent pas les temps : pas de présent, de
futur, de passé, encore moins de futur antérieur ou de passé composé… Ils se conjuguent sous
deux formes qui n’indiquent pas une temporalité, mais un mode : le mode achevé, clos,
accompli ; et le mode inachevé, ouvert, inaccompli. En Exode 3,14, le texte hébreu dit : èhyèh
asher èhyèh, forme qui appartient au mode ouvert, inaccompli. On peut en français la traduire
par un présent ou par un futur. Je deviens qui je deviens, je deviendrai qui je deviens, je deviens
qui je deviendrai, je deviendrai qui je deviendrai… C’est donc une formule extrêmement ouverte.
On peut penser qu’à l’époque où le Premier Testament a été traduit en grec (au cours du
troisième siècle avant notre ère), on se permettait encore de prononcer ce nom, puisqu’il est
transcrit avec voyelles dans les caractères grecs ; dans l’histoire du judaïsme, on a peu à peu
renoncé à le faire, par respect, pour éviter de le prononcer en vain, en obéissance au Dix
Commandements ; et pour se souvenir que le Seigneur ne se réduit pas à un nom que l’on peut
lui donner. C’est déjà ainsi à l’époque de Jésus.
Lorsqu’on regarde les manuscrits découverts à Qumrân, on voit que l’encre est plus foncée sur
ces lettres que sur les autres : le scribe trempait sa plume dans l’encrier toutes les fois qu’il avait
à l’écrire. Tout scribe qui recopie la Torah, encore aujourd’hui, se soumet à ce rite.
Nos traductions habituelles s’appuient sur la version grecque du Premier Testament. On sait
qu’en grec, à l’opposé de l’hébreu, le verbe être a un poids particulier, et que les philosophes
l’ont abondamment ausculté et analysé. La formule d’Exode 3,14 devient : egô eimi ho ôn, c’est-
à-dire : je suis l’étant ; ou je suis l’être. Cette traduction relie la pensée du Premier Testament à
la réflexion grecque qui fait du dieu l’Etre par excellence.
On voit qu’en changeant de culture on change aussi la représentation que l’on se fait de Dieu…
Elohim
C’est le nom le plus habituel, le plus banal, que l’on donne à Dieu. Comme en français le mot
Dieu, que l’on peut écrire avec majuscule ou avec minuscule.
Il contient la racine El, qui désigne n’importe quelle divinité, aussi bien le Dieu d’Israël que tous
les dieux des peuples étrangers. La forme Elohim comporte une marque du pluriel : -im ; chose
surprenante dans un livre et une religion dont on nous dit qu’ils insistent lourdement sur le
monothéisme ! C’est dire que le Dieu unique, le Dieu de l’univers, que la Bible confesse comme
le Dieu qu’honorent les croyant.e.s, prend des formes multiples, se révèle de manières
multiples. Et donc qu’on peut lui donner des noms très divers.
A une condition : ne jamais confondre le nom que je donne à Dieu avec Dieu lui-même. Car je
ne connais de lui que d’infimes bribes, il est infiniment plus vaste que tout ce que la Bible elle-
même dit de lui ! D’ailleurs, c’est la même chose pour nous : je ne me réduis pas à mon
prénom, mon métier, mon statut marital et familial, mon hobby ou toute autre caractéristique qui
est la mienne. A partir de là, et si tu essayais de donner à Dieu tous les noms que tu as envie de
lui donner ?
Yolande